Article n°6

                                                            

23 août 2004. Retour des vacances.

 

Le retour des vacances est toujours une grande tragédie, pour peu bien entendu d’en avoir un minimum profité.

 

Nous pourrions placer le verbe « profiter » sur le billard, histoire de savoir ce qu’il a dans le ventre. Cet exercice difficile amène autant de réponses qu’il existe d’identités. Ma conception des vacances se marie sans doute mal avec celle de mon voisin, et vice et versa, même si parfois nous pouvons nous croiser au même endroit.

 

Au détour d’une ballade sur le flanc du Mont Blanc, j’observais un groupe d’alpinistes de retour de la grande ascension. La tête toute auréolée d’un indicible bonheur, traînant de lourds équipements, ils semblaient sortir d’un Eden inaccessible, et je mesurais avec une pointe d’envie ce qui nous séparait. Pourtant un soupçon pesait sur chacun de ces alpinistes, apportant une ombre à ce monde de la montagne, pétri de légendes, d’héroïsmes et de caractères bien trempés.

 

Dans un bar, au détour d’un journal télévisé, nous avions eu droit à une visite commentée du refuge Vallot, à 4362 mètres, juste au pied de la route des Bosses qui conduit au sommet. Le refuge Vallot, sans gardiennage, n’a que pour vocation d’abriter les alpinistes pris dans la tourmente et il est très fortement déconseillé d’y dormir du fait de son altitude. Le spectacle qu’il nous était donné de voir était digne de figurer dans cette grande messe de l’activité humaine du JT (journal télévisé). Un amoncellement incroyable de détritus de toutes sortes jonchait le sol en une litière d’une épaisseur cocasse, relevant du gag, de l’absurde. La montagne se découvrait un nouveau visage, se métamorphosant en un vulgaire prolongement de notre société. Ce qui devait être un « refuge » s’apparentait à un repoussoir, un pourrissoir, terrifiant paradoxe.

 

Un conseil, si vous envisagez de faire l’ascension du Mont Blanc, vérifiez la météo, car j’imagine le choc d’une âme éprise de beauté, échappant à la violence des éléments et trouvant un abri salvateur dans cet endroit.

 

Si vous ne vous sentez pas l’âme d’un alpiniste, une solution facile s’offre à vous pour en goûter les joies. Rendez-vous dans la décharge la plus proche de chez vous. Si l’oxygène vient à manquer, ne vous inquiétez pas, à cette altitude c’est normal.

 

Comme sur l’Everest vous pouvez emporter vos bouteilles, même pas consignées comme de vulgaires vins de table. Ensuite, une fois vides, il n’y a plus qu’à les laissez choir, sans une pensée qui pourrait entraver votre gloire.

 

Quant à cette vilaine trace, d’autres s’en chargeront, le principal étant d’avoir réussi votre défi personnel.

Au retour de votre expédition, concentrez-vous sur l’aspect sportif de l’entreprise, et modestement avouez que vous avez réussi ce que peu d’hommes etc…

 

Soyez sans crainte, l’histoire ne retient que la beauté du geste.

 

J’aime bien la montagne.

Daniel

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