La vie au quotidien au siècle des
lumières
Le siècle des Lumières en Lorraine tout comme dans le royaume de France, constitue une période décisive et marquante. La Lorraine province francophone, carrefour commercial au centre de l’Europe, bénéficie d’une industrie importante et d’un centre artistique et culturel inégalé.
Stanislas Leszczynski œuvre pour la prospérité de ses états et de ses sujets. Il gouverne en souverain modèle, avec sagesse et efficacité. S'il ne veut en aucun cas s'opposer à son gendre Louis XV. -ce dernier ayant confié l'administration de la Lorraine au marquis de La Galaizière - pour tout ce qui reste de son ressort , il veille à ce que son royaume soit gouverné avec équité et efficacité.
Protecteur attentif des sciences, des arts et lettres,
Stanislas féru d'urbanisme offre un exceptionnel ensemble monumental d'édifices publics, digne d'une vraie capitale. La ville de Nancy, au milieu du XVIIIème siècle est l’objet d’importantes modifications qui se répercutent principalement dans le modèle urbanistique et par un contrôle dynamique de la cité
pour une harmonie voulue plus saine et rigoureuse.
Devant une forte démographie, les autorités de la ville guidées par des impératifs hygiéniques, urbanistiques et moraux prennent progressivement en charge l’organisation et la gestion de nouveaux équipements comme l’entretien de la voierie, l’éclairage public, le ramassage des ordures, la prévention des incendies, la police, les cimetières etc...
Stanislas Leszczynski " Le
Bienfaisant "
Soucieux des pauvres, Stanislas créé des fondations pour venir en aide aux démunis et veille à l'éducation de tous ses sujets. Il fonde à Nancy des écoles ouvertes à tous, une académie, une bibliothèque publique. Malgré une imposition croissante Stanislas développe le commerce grâce à des mesures salutaires (subventions aux commerces) ayant pour but de soutenir les conditions de vie des commerçants. La mise en place des entrepôts à grains royaux a permis un contrôle du prix du pain, enjeu politique majeur pour une paix sociale (Le pain est le seul aliment pour bon nombre d'habitants).
Le cadre de vie des Nancéiens s’améliore. La ville apparaît, dès cette époque, comme la synthèse de toute la civilisation dans l’esprit des lumières avec son développement intellectuel et philosophique.
Nancy est une ville grouillante où se côtoie une population mélangée, nobles, marchands, artisans, manœ
uvriers. La rigidité des cadres sociaux est bouleversée. Cette configuration de la société constitue un fidèle reflet de l’inégalité sociale. Le luxe ostentatoire côtoie le dénouement le plus total. Avec la grande industrie, est apparue une importante population ouvrière constituée en dehors des cadres corporatifs. Cette population est rivée à un niveau de vie d'une misérable uniformité notamment dans les faubourgs situés en marge de la ville.
Durant cette période, l'aristocratie et la bourgeoisie s’effacent au profit de la noblesse de robe et d’une bourgeoisie de traitements qui s’appuie surtout sur une hiérarchie des fortunes.
La fin de l'indépendance de la
Lorraine
1766 constitue une date importante dans l’histoire de la Lorraine, une date incontournable qui marque la fin de son indépendance et son rattachement au royaume de France. Le décès de Stanislas Leszczynski survenu le 23 février dans sa 88ème année plonge la Lorraine dans le désarroi et entraîne inévitablement la dispersion de la cour ducale pour d’autres lieux plus attrayants.
Ainsi s’achève une période de prestige de Nancy. L’élan culturel, architectural et scientifique initié par Stanislas, perdure mais il est à noter que l’influence française est plus présente. L’architecture perd de son homogénéité, et tous les arts, sociétés et autres associations mettant en avant l’indépendance lorraine sont interdits.
Les Lorrains ne sont pas hostiles à la France. Toutefois la misère du prolétariat ouvrier sera rejointe par une classe moyenne victime du profit avec la naissance d’un esprit capitaliste ayant pour seul valeur la spéculation et l’argent.
Certaines institutions charitables instituées par Stanislas connaîtront un déclin significatif. Elles sont pour certaines remplacées par une surveillance accrue des pauvres, misérables et vagabonds. Un dépôt de mendicité est créé en 1769, compromis entre l’hôpital et la prison, on y entasse, pêle-mêle, vagabonds, délinquants, filles publiques, enfants abandonnés. Nancy possède un des plus grands centres de ce type, avec plus de 1300 personnes détenues de 1769 à 1773. On y intègre un atelier textile en vue de former les détenus à un métier. Cependant, face aux dépenses, bon nombre d’enfants ont été contraints de travailler dans ces ateliers.
Le début de la fin d'une
monarchie !
Dès 1771,
de graves problèmes subsistent au niveau économique. Les récoltes inégales, la spéculation qui s’en suit, le chômage, la nostalgie de l’indépendance passée, la fiscalité royale, ont pour conséquence d’engendrer une effervescence et une contestation générale, voire quelques révoltes.
Les survivances féodales ne sont plus tolérées par l'opinion publique.
Le pays mise tout son espoir dans le roi, à la condition que ce dernier prenne le parti du peuple. On attend de lui qu'il mette au pas les privilégiés et qu'il protège le peuple contre une administration qui devient de plus en plus impopulaire.
La féodalité a laissé aux paroisses et villages plus de libertés que les intendants. La gabelle, les aides, la taille, les corvées sont prétextes à une constance inquisition dont les paysans
ont horreur.
L'inégalité de l'aristocratie
Depuis les temps féodaux, la noblesse
paie
théoriquement " l'impôt du sang "
en risquant sa vie pour le roi sur les champs de bataille. En revanche, elle
est exemptée de la taille, de la corvée, du logement des
gens de guerre, et ne verse qu'une quote-part réduite des impôts de capitation et
du vingtième.
Elle conserve enfin, de vieux droits féodaux: droits de justice,
de chasse, cens, corvées, banalités, redevances diverses. En cette fin de
l'Ancien Régime, cette noblesse tient
à conserver ces privilèges et ne défend plus militairement ses domaines depuis longtemps, et a même cessé de les administrer.
Les différences
sont grandes entre la haute noblesse admise à la cour où gravitent les
princes du sang, les grandes familles, les maisons militaires et civiles, une
nuée de courtisans pour lesquels le train de vie de Versailles est dispendieux.
L'aristocratie
provinciale est composée de propriétaires fonciers, de membres des parlements
ou de simples gentilshommes qui vivent à moindre frais, tout en tenant le haut
du pavé dans les villes. Enfin, quantité de "hobereaux", souvent
très pauvres et proches du paysan, se contentent des revenus souvent médiocres
de leurs terres. Les aînés arrivent à joindre les deux bouts, mais les cadets
gémissent sur leur condition misérable et sont méprisés par les intendants.
Beaucoup de bourgeois sont plus riches que des gentilshommes.
Ces différentes
classes ont le même vocabulaire, la même éducation. Malgré cette identité idéologique, une profonde inégalité subsiste entre elles. "La
noblesse, fût-elle éclairée, demeure hautaine". Ses antagonismes ne
lui donne plus de légitimité, car
elle est partagée entre des aspirations d’une nouvelle société et des acquis d’un ancien statut.
La structure religieuse est aussi ébranlée atteinte par l’irréligion et la suspicion ambiante. L'église, non seulement est exempte de la plupart des impôts, mais en perçoit une partie. Les évêques et abbés de Cour qui n'exercent aucun ministère spirituel, prélèvent d'immenses revenus, " roulent carrosse " et mènent des vies souvent peu en rapport avec leur fonction. Toutefois, la masse du peuple reste attachée à ses églises et à ses curés mal payés,
souvent pauvres qui entretiennent les paroisses, les églises et
organisent l'enseignement.
La France, en 1788, reste l'état le plus puissant de l'Europe. Elle compte vingt six millions d'habitants, soit 16% de la population totale du continent, en un temps où la Grande Bretagne en compte à peine douze millions et la Prusse huit. Son prestige militaire et naval n'a jamais été plus grand et dans toute l'Europe s'exerce l'influence des écrivains et des artistes français.
La monarchie opprime-t-elle le pays ?
Un mouvement s’élève contre une noblesse qui jouit des privilèges alors qu'elle n'a plus les charges au profit d’une administration omniprésente. La France bouillonne de mécontentement et son gouvernement perd son autorité.
La Lorraine en particulier, à la veille de la révolution, souhaite de grands changements non parce qu'elle est misérable, mais parce qu'elle ressent plus difficilement les inégalités en période de difficultés et de disettes.
En outre, beaucoup de Lorrains espèrent que les réformes amorcées par les Etats Généraux remédient à leurs maux. Cinquante six députés furent choisis. Quatorze représentent la noblesse, quatorze le clergé, et vingt huit le tiers état composé de notaires et d'hommes de loi. Toutefois, au sein du Tiers Etat, aucun paysan n'est représenté.
Le refus
par le roi Louis XVI de reconsidérer une répartition plus équitable des impôts,
de graves difficultés économiques s'ajoutent aux problèmes politiques,
provoquent le mouvement révolutionnaire.
Cette révolution est déclenchée par le peuple suite à la démission d'une élite qui ne croît plus en elle-même ni en ses obligations.
Un excès d'injustice, de misère et visiblement un manque de clairvoyance face aux réalités du moments sont de nombreux facteurs qui engendrèrent les événements de la deuxième moitié à la fin du XVIIIème siècle.
Les nancéiens restent réticents face aux excès révolutionnaires parisiens. Ainsi,
l’avènement de la République du 21 septembre 1792 fut accueilli le 7 octobre sans enthousiasme par la population nancéienne.
Nancy reste Ducale dans l’âme de nombreux habitants qui regrettent le temps de Stanislas
" Le
Bienfaisant "
pacifiste, réformateur, utopiste et théoricien du bonheur. Il conjugue avec pragmatisme, l'esprit des lumières, les traditions chrétiennes, et demeure une figure éminente du
XVIIIème siècle.
Bruno DENISE
- Chronologie des évènements du siècle des Lumières
- Encyclopédie
ou Dictionnaire raisonné de Diderot et d'Alembert
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