La vie au quotidien
au 18ème siècle
La gastronomie nouvel art de vivre !
Préambule
Décrire l’histoire de la gastronomie au siècle des lumières est un
exercice passionnant et digne d’intérêt. La gastronomie c’est l’histoire
du goût, d'un art de vivre si difficile à établir, mais aussi l’histoire
de l’homme et de l’humanité.
C’est donc une histoire humaniste qu’il nous faut détailler en une
multitude de chapitres.
La gastronomie au siècle des
lumières.
La particularité du XVIIIème siècle est la prise en compte de
nouveaux comportements, qui se traduisent par de nouvelles valeurs :
plus de nature, de liberté, d'hygiène. Les habitations, le mobilier, les
vêtements, l'alimentation ont profondément changé la vie des habitants
de cette époque.
Le temps d'une paix relative a suscité un nouvel art de vivre. Une
multitude d'existence de femmes et d'hommes avec un contraste social
très marqué de la ville à la campagne n'a pas permis à tous de
bénéficier de ces profonds changements.
Comment et que mangent les classes populaires des villes et des
campagnes, les classes sociales les plus défavorisées, les soldats ?
La vie des humbles est des plus drastiques. Ces derniers doivent
attendre de longues années et ne sont pas épargnés par de nombreuses
disettes. La bouillie d'orge, les fèves, les pois et le pain sont des
aliments de base pour "la classe du tiers état inférieure" des villes.
En effet, depuis bien longtemps, on ne fait plus pousser de légumes dans
les villes. Les moutons, porcs et vaches ont disparu des ruelles et
arrières cours par souci d'hygiène.
Pour cette tranche de la population, on ne
parle pas de gastronomie, mais d'une alimentation de survie. En
revanche, pour les privilégiés et la frange supérieure des classes
moyennes, les acquis du siècle des lumières sont bel et bien là.
Le commerce du sucre un goût amer !
Durant le XVIIème et
XVIIIème siècle le goût
pour les produits d'outre-mer se développe, et notamment pour le sucre
de canne. Il s'en suit un engouement économique attiré par les profits,
l'esclavage voit le jour de cet esprit "capitaliste".
Les esclaves dans les colonies françaises seront "des victimes oubliées"
de l'histoire. Une pénible page de l'histoire
de France débute dès 1518 par Charles Quint qui autorise la déportation
d'esclaves d'Afrique.
En 1639, Louis XIII autorise l'utilisation d'esclaves vers les colonies
françaises, et Louis XIV organise et réglemente le statut des esclaves
avec le "Code Noir" en 1685.
Sous le règne de Louis XV et Louis XVI, face aux pressions des
financiers, des armateurs, des marchands et avec la complaisance des
intellectuels et philosophes, le commerce et l'exploitation de cette
main d'œuvre soumise s'amplifie.
Il faudra attendre la fin du XVIIIème
siècle à la suite des pressions organisées par la société des
amis des noirs et d’humanistes comme l'Abbé Grégoire, pour que la
convention proclame l'abolition de l'esclavage,
le 4 février 1794 sur proposition de Levasseur, Danton et
Lacroix.
En 1802, Bonaparte 1er consul rétablit l'esclavage, et en
1848 l'esclavage est aboli par la 2ème
république.
Nancy, une ville en plein essor
Nancy au milieu du XVIIIème siècle jouit d'une prospérité
économique, attire de nombreux aristocrates, commerçants, artisans
et compte 25 000 habitants en 1755 et 30 000 à la révolution.
Le pavage des rues et l'entretien des routes facilitent le transport et
le ravitaillement des marchés notamment en produits frais.
Une meilleure hygiène est assurée grâce à l'approvisionnement en eau
potable de la ville par des fontaines publiques ou pour les plus riches
directement dans les habitations, ainsi que l'évacuation des eaux usées
par des égouts.
La ville de Nancy devenue plus propre et bénéficiant d'un
éclairage public a permis de développer en autres, les soupers et
soirées mondaines. Une mode se développe dans le milieu intellectuel et
bourgeois, l'acquisition et l'entretien d'une maison de campagne,
de jardins potagers et de vignes. Les aliments végétaux, considérés au
Moyen Age comme une nourriture paysanne, vont devenir la marque
distinctive des tables princières.
Nancy est une ville où le commerce d'entrepôts se développe, les
meilleurs produits du pays et des autres régions du monde s’y
concentrent. La découverte du nouveau Monde a permis l’arrivée de
nouveaux aliments : maïs, haricot, piment, potiron, tomate, dinde, pomme
de terre. Le thé, le café et le chocolat ne sont plus considérés comme
des produits médicinaux vendus par des apothicaires.
Un café nancéien fait son apparition dés la construction de la place
Royale en 1755 et sera tenu par la famille Masson. On y sert bien sûr,
du café et on y discute des questions politiques et philosophiques.
En privé, les "salons" sont devenus les institutions par excellence du
XVIIIème siècle où les femmes notamment se distinguent et
parlent à égalité avec les personnages les plus en vue du moment.
L'exotisme fait partie des choses à la mode, on trouve comme à
Versailles et dans les résidences de Stanislas Leszczynski des
orangeries et des jardins exotiques.
A l'instar de Nancy, d'autres grandes villes ont adopté le même schéma
de développement et ont bénéficié du climat de prospérité du début du
XVIIIème siècle.
Nouvelle conception de l'Habitat
La conception et l'ordonnancement des habitations subissent radicalement
des changements. Chaque pièce répond à un usage unique (chambre, cabinet
de toilette, bibliothèque etc...)
La salle à manger est donc inventée, jusque-là, on prend ses repas dans
la chambre à coucher ou l’antichambre. Nous parlons évidemment des
maisons aristocratiques. Cette distinction n'avait pas cours dans les
humbles chaumières où une pièce unique accueillait hommes et bêtes.
On assiste à de nombreux changements qui se caractérisent par une
nouvelle manière de cuire les aliments. La cheminée est le mode de
cuisson le plus utilisé, toutefois un nouveau moyen plus ou moins
sophistiqué se développe comme le réchaud, ou le trépied qui se
modernise
De très nombreux ustensiles, marmites, poêles, moules ont cette
particularité commune : de répondre à un usage caractéristique. Les
ustensiles en fer à connotation négative se trouvent dans une grande
majorité de foyers, et pour les plus riches, ils sont réalisés en
matériaux plus nobles comme l’argent, le cuivre rouge. L’agencement de
la cuisine, tout comme les autres pièces d'une habitation est le
révélateur du niveau de vie de son propriétaire.
Les arts de la table
La renaissance sous des influences italiennes fait apparaître la table
fixe, ainsi que la fourchette. La table, jusqu'à lors, de forme
rectangulaire, devient ronde ou ovale, ce qui a pour conséquence une
plus grande convivialité, car l'abstraction est faite du protocole.
Un clic pour plus d'informations
Le
repas du prince de Salm
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Le XVIème et XVIIème siècle sont marqués
par la généralisation de l'assiette individuelle, et du couvert
composé d'une cuillère, d'une fourchette et d'un couteau. La
faïence et le verre remplacent progressivement l'étain.
Vers 1750, les couverts de table trouvent leur forme définitive,
et de nombreux modèles d'orfèvrerie dessinés à cette époque sont
toujours produits aujourd'hui. Le couvert s’enrichit de la
petite cuillère.
La table accueille nombre d’ustensiles de services nouveaux : la
louche, alors dénommée “cuillère à pot”, les cuillères à sel, à
moutarde, à ragoût, à condiments, à sucre ... ainsi que la
saucière, le moutardier, l’ huilier, le vinaigrier, le beurrier,
le sucrier, le pot à épices ...
La faïence commence à concurrencer l’orfèvrerie jusqu'alors de
rigueur
Cette évolution annonce la table moderne comme nous la
connaissons de nos jours.
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A la cour et dans le royaume de France
Le "Grand Couvert", rite monarchique depuis le Moyen Âge, le repas
public est une marque de pouvoir, un acte de représentation politique,
où la qualité et la quantité des plats ingérés sont recensées et
magnifiées. Louis XIV s'astreint à l'usage quotidien du Grand Couvert,
nom que prennent alors ces repas publics.
L'étiquette prescrit que le roi y convie la reine, ses enfants et ses
petits-enfants. Au Petit Couvert, le roi mange seul. Le souper au Grand
Couvert se tient à 22h dans l'antichambre, du roi ou de la reine selon
les époques.
Une table rectangulaire est alors dressée, avec le fauteuil du roi et de
la reine, le dos à la cheminée. Les pliants pour les convives sont
placés aux bas-côtés de la table et devant, en demi-cercle, ceux des
duchesses, qui seules sont assises au premier rang de l'assistance.
Derrière elles, se tiennent debout les autres courtisans et les curieux
de passage.
Le Grand Couvert se raréfie sous Louis XV et n'a plus lieu, à la fin de
l'Ancien Régime, que les jours de fête et les dimanches,
Marie-Antoinette y affiche son ennui, n'ôtant même pas ses gants.
Il faut connaitre les us et coutumes de la gastronomie du XVIIème
siècle, pour mieux appréhender la gastronomie du siècle suivant.
Le service à la française
Afin de bien comprendre l'évolution des manières de la table, il
convient d'expliquer les principes de base du service à la française tel
qu'il était pratiqué dans les cours royales.
Le Service à la française se codifie dans la seconde moitié du XVIIème
siècle fondé sur l'ordre et la symétrie, qui deviennent des critères
d'élégance et de bon goût.
Le menu réglé spécifiant à la fois l'ordre d'enchaînement des mets selon
leur catégorie et la façon de les servir. Le menu se structure en
"services" successifs, composés chacun d'un ensemble de plats déposés
simultanément sur la table par un cortège d'officiers de la Bouche puis
emportés pour être remplacés ("relevés") par une autre série.
Les convives picorent dans les divers plats proches d'eux et doivent
recourir à l'obligeance de leurs voisins pour atteindre les plats les
plus éloignés.
Les mets, très nombreux, sont apportés en vagues successives, tout est
si bien rôdé que le repas se déroule en moins d'une heure.
Ce type de service ne pose pas de problèmes pour les plats froids, les
salades et les desserts, mais n'est pas adapté pour "la juste cuisson"
des poissons et des viandes. D'où l'extension prodigieuse des pâtés
chauds, ou tièdes en croûte, des tourtes, chartreuses. Les plats de
l'époque privilégient l'esthétique à la dégustation.
Pour atténuer le refroidissement les différents plats, ils parviennent
sur la table en plusieurs services distincts:
- 1er service contient potages et poissons,
suivis du relevé de poisson ou de potage, sorte de transition.
- 2ème service étale largement les "entrées" mot désignant
plat de résistance.
- 3ème service, les rots, volailles, gibiers
- etc...
- plus les entremets, hors d'œuvre, fromages, fruits, desserts et
confiseries ne comportaient pas de service à proprement dit.
Les hors d'œuvre, figurent du début à la fin, ils ne constituent pas un
préambule fugace, mais un accompagnement perpétuel. Les "hors d'œuvre",
petit plat typique, catégorie de mets d'une facture nouvelle annoncent
les raffinements du XVIIIème siècle où s'exprime la capacité
d'invention des maîtres queux.
On retrouve des traces de ce service à la française, aujourd'hui encore,
sur les tables bourgeoises, lors des repas officiels, mais aussi dans
les menus dominicaux et fêtes familiales.
A la cour de Louis XIV
Le repas royal était très réglementé "Le Grand ou Petit Couvert" et
Louis XIV ne goutait pas à tous les plats, il s’en faut de beaucoup. Il
mange toujours plusieurs potages, reprend de la volaille ou du gibier.
Il lui arrive même de laisser passer plusieurs plats sans y toucher pour
se régaler d'une sauce dont on aurait peine à imaginer le mode de
consommation. Le pain grillé et émietté épaississait les sauces jusqu'à
les rendre solides, car Louis XIV, n'utilisait presque pas son couvert,
préférant manger avec les doigts.
Dans le reste du royaume au XVIIème siècle
Seuls les aristocrates peuvent se permettre de tenir en permanence le
genre de table dont la réputation est parvenue jusqu'à nous. Dans une
noble maison et de train important, le repas normal est au minimum de 3
services comptant 3 plats.
Les entrées qui comportaient des abats ou des pâtés nommés entrées
volantes.
Les services selon les cas et le nombre des convives peuvent
être composés :
- de 3 potages, 3 entrées, 3 rôtis
- ou 3 potages, 3 poissons, 3 entrées
- ou encore 3 potages, 3 poissons, 3 rôtis
- plus les hors d'œuvre, fruits, fromages et desserts.
Dans notre vie moderne, un menu tel que celui-ci est inconcevable. Dans
nos menus actuels en admettant le principe d'un seul potage servi au
choix, tous les plats doivent obligatoirement s'harmoniser entre eux
pour être servis sur une seule assiette.
Toutefois, un repas conçu tel qu'il l'était au grand siècle, facilite
grandement le service. Les plats sont posés simultanément sur la table.
A cette époque, le "service" commençait dans l'ordre chronologique en
fonction de l'importance des convives.
Les soupes, les marinades, et les pâtés
tiennent une place prépondérante dans la composition variée des menus,
compte tenu de la difficulté d'approvisionnement et de conservation des
aliments.
La composition d'un menu du XVIIème siècle
- Le potage est incontournable pour un repas, et il était de bon ton
d'apporter une note d'exotisme se "conjuguant" avec le potage en
ajoutant un légume, des fruits ou un sorbet, voire un dessert.
- Les poissons, la marée arrivent à Paris venant de Dieppe de Fécamp ou
d'Honfleur. En même temps, la carpe et l'anguille font concurrence au
saumon saisonnier. L’anguille dont on connaît la vigueur jouit
depuis le Moyen Age d'un préjugé favorable la plaçant au tout premier
rang. Le pâté d'anguilles, la terrine de saumon, la carpe à l'ancienne
rivalisent avec la lamproie, les aloses et le hareng. Les trois premiers
sont de conservation facile.
- Pour la viande, on aime les pieds de veau ou de porc farcis, on
affectionne les hures et les fromages de tête. Le gibier devait être
mangé faisandé (par souci de facilité). Les sauces sont lourdes, grâces
et encore très épicées.
- Les desserts, inconnus du peuple, sont l'apanage de l'aristocratie.
Ils sont multiples et très sucrés : glaces et sorbets surtout en
été, croquembouches, fleurs cristallisées en sucre (violette,
rose, etc.), fruits exotiques frais ou confits ...
La France en tant qu'empire avait le privilège des aliments rares. Des
possessions lointaines, il fallait tirer sinon du profit, du moins
quelque vanité. L'ananas, le rhum, le sucre, les dattes, les cédrats
(citrons), la pintade, ou la tortue de mer etc...voilà ce qui donnait la
note de luxe aux tables aristocratiques.
Ces menus étaient dits de "tous les jours", pour les grands du royaume
en tous cas.
" Ce qui est Royal, de fête, doit être dispendieux et unique ! "
A la cour de Louis XV
Louis XV, déroge aux contraintes des repas réglés et il s'entoure
souvent de quelques amis pour le souper qu'il donne dans son Petit
Appartement ou dans ses Cabinets, les dames y sont en majorité. Outre le
choix des convives, le nombre de domestiques est réduit au minimum afin
de favoriser une certaine discrétion liée à un esprit de libertinage. La
forme de la table, ronde ou ovale, l'utilisation fréquente après 1750 de
services en porcelaine opposent ces soupers aux repas officiels.
C'est pour ces soupers que se crée une partie de la gastronomie
française.
Un autre changement fondamental va s’opérer, la transformation du
service des repas. Dès le début du XVIIIème siècle, on peut
voir dans la littérature culinaire la description de ce qui est appelé
le service “à la russe”.
Le service a la russe
Il s’agit, en fait, de servir les divers plats du repas les uns après
les autres, en les présentant directement au convive. Les mets sont
découpés et arrangés en cuisine, et peuvent être consommés chauds, dans
la perfection de leur préparation.
Ce changement a une autre conséquence : désormais, les verres sont
disposés sur la nappe de la table, devant les convives. Ils font partie
du décor, et les manufactures inventent alors les services de verres à
vin, à liqueur, à champagne qui commence à être connu.
Le raffinement est le maître mot qui définit le mieux les dîners et
soupers.
A la cour de Stanislas Leszczynski
A Lunéville, "le petit Versailles lorrain", demeure habituelle de la
cour de Stanislas, la vie s'organise à l'image de la cour de Versailles.
Gourmet reconnu, Stanislas est attentif à la qualité des repas servis à
la cour. Il consomme beaucoup de volailles et de gibiers, adore les
crudités, raffole de melons. Les faisans viennent de son élevage de
Vitrimont et les poules de ses fermes sont de race "sarnates". Les
poisons tout particulièrement le "Karas" sorte de brème proviennent de
ses étangs. Stanislas se délecte des plats polonais qu'il apprécie
beaucoup.
Pour le vin, à la cour du Duc de Lorraine, on consomme la production
locale limitée au gris des collines de Toul et des côtes de Meuse, mais
Stanislas préfère certainement par nostalgie le tokay de Hongrie qu'il
réserve à sa table.
Stanislas devient franchement gourmand pour les desserts. Il apprécie
biscuits, bonbons, nougats et le fameux Baba que lui confectionne son
inséparable cuisinier-pâtissier François Richard, et son successeur
Gilliers. De cette période, parmi les pâtisseries les plus connues, on
peut citer la madeleine et le baba.
Il aime à surprendre ses invités avec d'extravagants "surtout"
composition architecturale réalisée en céramique et métal dotée de
divers contenants sortant du plancher par un astucieux système
hydraulique.
Stanislas déteste s'attarder à table. Le repas réglé comme une horloge
ne dure qu'une heure. Les musiciens du palais jouent pendant la durée du
service qu'ils rythment avec force à coups de cymbales et de sonneries
de trompettes. Les visiteurs non-initiés goûtent avec plaisir le
vendredi réservé aux instruments à cordes.
Evolution de la cuisine au XVIIIème siècle
C’est au XVIIIème siècle que se cristallise le concept de
"nouvelle cuisine". Pour la première fois, la cuisine est appréhendée
comme une harmonie de différents mets. L’idée du naturel et de la
qualité surpasse enfin celle de l’abondance. Dés lors, la grande cuisine
française va établir ses règles, son influence et étendre sa domination
sur toutes les cuisines du monde occidental, au point de devenir un
symbole international de qualité et de prestige.
Cette haute cuisine se développe à la cour de Louis XIV / Louis XV et
chez les plus grands aristocrates, puis dans les riches demeures
particulières. Elle devient l’affaire d'hommes spécialisés, cuisiniers,
pâtissiers, confiseurs...
Les aspirations de la bourgeoisie vers toujours plus de raffinement vont
accélérer l’évolution des fastes de la grande cuisine. La noblesse qui
se voit imitée dans ses goûts et sa distinction va, pour garder ses
distances, redoubler de fastes culinaires, lesquels seront, à leur tour,
copiés par les bourgeois. Les bouleversements de la Révolution n’y
changeront rien.
Des maisons plus modestes et bourgeoises, va émerger une cuisine que
l’on appellera “bourgeoise” puis “régionale”, pratiquée par des
cuisiniers non professionnels et, le plus souvent, des femmes.
Les femmes ont un grand rôle dans cette évolution, mais elles seront les
oubliées de l'histoire de la gastronomie au profit des hommes. Les
grands cuisiniers ne peuvent véritablement officier que dans la
capitale, voire dans quelques villes de province.
Dés le XVIIème siècle, s’opère un déclin du goût pour les
épices. La France qui, de tout l’ Occident, avait été le plus grand
consommateur d’épices, ce qui lui a valu son statut de nation
gastronomique, s’en désintéresse, alors que les épices continuent à être
très appréciées dans tout le reste de l’Europe. Il n’y a plus guère que
le poivre, le clou de girofle, la cannelle et la muscade en quantités
discrètes, qui trouvent grâce au palais des français.
A cette époque,
les étrangers s’étonnent même du peu d’épices utilisées en France. Les
herbes aromatiques ont également changé: l’hysope, la rue, la
marjolaine, la menthe ou la tanaisie disparaissent et sont remplacées
par le thym, le laurier, le persil, la sarriette, la ciboulette,
l’estragon et le romarin.
En fait, il semble bien que la grande cuisine française ait délaissé ce
qui avait fait sa distinction par le passé pour prendre une nouvelle
inspiration dans des ingrédients plus simples, plus naturels, avec pour
inspiration la cuisine bourgeoise et paysanne. Tels sont bientôt
les critères du bon goût et du style culinaire à la mode…
Les influences de la religion dans la gastronomie
La pratique religieuse, plus développée dans les siècles passés
qu’aujourd’hui, a affecté les habitudes alimentaires. Entre le grand
carême, les petits carêmes, les veilles de fêtes et les jours de jeûne
eucharistique, on peut considérer que pendant plus d’une moitié de
l’année, les catholiques proscrivent l’alcool, les rapports sexuels et
la consommation de viande. L’interdiction s’étend aux graisses animales,
ce qui posait un gros problème dans les régions qui ne disposaient pas
de l’huile végétale
( d’olive, de noix, etc..)
À Rouen, au Moyen Âge, les bourgeois ont payé une tour de la cathédrale,
appelée " tour du beurre " pour obtenir de l’Église l’autorisation de
manger du beurre en carême. De larges assouplissements sont intervenus à
partir du Concile de Trente au XVIème et surtout au XVIIème siècle.
Cette autorisation acquise au XVIIème siècle, le beurre est
utilisé durant le carême et les jours de jeûnes. Absent des recettes du
Moyen Age, le beurre triomphe enfin. Il est mis rapidement à toutes les
sauces ! Adopté par l’élite sociale, il devient à l’instar des truffes
l’une des caractéristiques de la grande cuisine.
Dés 1635, l'utilisation du beurre conduit à l'élaboration du
feuilletage, réinventé par Claude Gellée de Toul (La pâte feuilletée
était connue des Grecs). Cette pâte feuilletée donne naissance à une
multitude de vols au vent, croûtes, et sera créée la "bouchée à la
reine " destinée à Marie Leszczynska.
Les sauces : élément primordial
Déjà employés dans la cuisine, le saindoux, lard et huiles, on ajoute du
beurre dans la confection des sauces. C’est en effet, à cette époque que
l’on assiste à cet élément primordial de la cuisine classique, les
sauces qui sont d’une conception radicalement différente, des
“potages liants” médiévaux. En accompagnement du poisson, voici la
“sauce blanche”, encore un peu acide à cause de sa petite quantité de
verjus, mais rendue liante et épaisse grâce au beurre. La crème fraîche
est encore négligée par les cuisiniers.
L’ancêtre de notre beurre blanc est recommandé pour accompagner les
poissons ! Toutes les autres sauces sont réalisées à base de bouillon de
cuisson de ragoût et sont liées à la farine, aux jaunes d’œufs ou encore
de pain, et additionnées de beurre. Le roux est né (nouvelle base
liante).
La réduction est une nouvelle technique pour donner consistance aux
sauces. Elles sont conservées dans des récipients séparés, afin d’être
utilisées dans la confection de diverses préparations. L’événement est
de taille dans l’histoire des techniques culinaires.
L’autre grande innovation est l’apparition des jus et des coulis,
ancêtres des fonds, dont les cuisiniers développeront toute une théorie
au XIXème siècle. Les jus sont des déglaçages de viandes
rôties dans des récipients couverts, qui peuvent être réservés à divers
usages, et les coulis sont très proches des fonds de sauces modernes.
Dans cette recherche de nouvelle sauce: La sauce "Mahonnaise",
rapportée de Fort Mahon aux Baléares par le maréchal de Richelieu d’où
son nom de Mahonnaise devient ensuite mayonnaise ainsi que la sauce
"béchamel" inventée par Béchameil.
De nouveaux plats font leur apparition au milieu du XVIIIème
siècle :"les chaud-froid".
Le pâté de foie gras d’Alsace apporté à Versailles par le cardinal de
Rohan sous Louis XV, connaît une vogue qui ne fera que s’accroître et,
en Normandie, une certaine Marie Marel dans son village de Camembert
prépare un fromage qui fera les délices du monde entier.
Enfin, la séparation rigoureuse qu’établissent les Français entre le
salé et le sucré se met vraiment en place à partir du milieu du
XVIIIème siècle.
La pomme de terre
Il semble que l'appellation ‘‘pomme de terre ‘’ est utilisée pour la
première fois en 1762 par le botaniste Henri Louis Duhamel du Monceau.
La pomme de terre va définitivement faire son entrée sur les tables
françaises, vers la fin du XVIIIème siècle grâce aux efforts
de Parmentier qui voulait à tout pris améliorer et étudier la qualité
d'un tubercule à chair blanchâtre dont il avait découvert l'usage
culinaire en faisant la guerre au Hanovre.
En effet, alors qu'il était prisonnier de guerre en Prusse durant la
guerre de Sept Ans, il réussit à survivre grâce à ce légume. Il se
heurte aux paysans qui ne voient, dans la pomme de terre, qu'une
nourriture bonne pour les cochons. Dans certaines provinces on dit même
qu'elle donne la fièvre. En effet mal conservée la pomme de terre peux
être toxique, la peau devient verdâtre et renferme un alcaloïde, la
solanine concentrée surtout dans la peau.
Louis XVI confronté devant la montée du peuple contre le prix du pain
demanda aux botanistes et autres savants de trouver un substitut qui
pourrait remplir le ventre du peuple.
C'est ainsi que Parmentier présenta sa "bouillie" à la cour de
Versailles qui reçut l'accréditation et son nom passa ainsi à l'histoire
et ce féculent prit sa véritable place dans l'alimentation quotidienne.
Le "restaurant"
En 1765, un certain Boulanger, dénommé aussi Champ d’Oiseaux, ouvre une
sorte de petit cabaret dans la rue des Poulies (aujourd’hui rue du
Louvre), où il sert des “restaurants”, des bouillons à ses clients.
Le mot “restaurant” a fait fortune et depuis est employé dans de
nombreux pays. À l’origine, il s’agissait d'un terme médical (un
bouillon revigorant), ensuite une vente ambulante où les crieurs
vantaient leurs bons " bouillons restaurants ", c’est-à-dire " bons pour
la santé". Boulanger offre également des volailles bouillies au gros
sel et des œufs frais. N’étant pas traiteur, il n’a pas encore le droit
à cette époque de vendre ragoûts ou plats en sauce...
La cuisine une affaire de spécialiste
Tandis que l’aristocratie se distingue en érigeant dans ses cuisines ce
qui doit être “le bon goût", la bourgeoisie qui lui emboîte le pas,
devient un public assidu des nouveaux livres de cuisine. Ces derniers
énoncent en précepte de base que les aliments doivent garder le goût que
leur a conféré la nature
.
Dans les grandes cuisines, règne une querelle sans merci qui divise
toujours avec autant d’âpreté les Anciens et les Modernes. Pour ces
derniers, seules comptent la simplicité et la pureté “naturelle”. Ce
mouvement est bien établi dès les années 1740, mais que ce mot de
“simplicité” ne trompe personne.
En réalité, cette cuisine nouvelle
exige un travail extraordinaire et dans les plats, se mêlent quantités
de saveurs, peut-être “naturelles” au départ, mais dont le résultat est
d’une extrême complexité. Les ingrédients sont de plus en plus luxueux,
les mélanges de base fort chers et compliqués, et les combinaisons de
plus en plus recherchées.
On parle beaucoup de théorie dans les cuisines. La cuisine des
aristocrates reste une affaire d’hommes et tous les grands auteurs
culinaires de l’époque sont d’accord pour que l’on fasse table rase de
l’encombrante cuisine des siècles précédents.
Le dîner philosophique !
Dans ce siècle, les théories scientifiques modernes se mettent en place,
la philosophie est en pleine effervescence et la
Révolution se prépare.
De ces repas, sont nées des idées humanistes, qui ne seront prises en
compte qu'après la Révolution.
Ces conversations brillantes, bien à l'écart des princes, sont l'une des
caractéristiques essentielles du XVIIIème siècle où les idées
font leur chemin à partir des salons et des cafés.
Consulter l'Encyclopédie de Diderot / d'Alembert.
" Voltaire laisse la parole à Diderot "
Les repas de société !
Afin de redonner un certain lustre à la vie de Cour, Louis XVI et
Marie-Antoinette inaugurent les "repas de société" auxquels sont conviés
une quarantaine de personnages, sélectionnés pour leur condition ou pour
leur mérite.
Chez les aristocrates et chez les très riches, elle est d’un raffinement
et d’un luxe extrême et exige une main-d’œuvre très spécialisée. Un menu
d’apparat se compose alors de 4 services, comprenant plusieurs plats
chacun, plus un 5ème service de “desserts”, préparé à l’office et
comportant confiseries, glaces pâtisseries et autres friandises.
Dans la bourgeoisie, faute de pouvoir suivre les tendances
aristocratiques, on pratique une sorte de cuisine de compromis, en
simplifiant et diminuant plats et ingrédients.
L’aristocratie éclairée ne dédaigne pas cette cuisine bourgeoise soit
par souci de santé, soit à la lumière des nouvelles idées par souci
d’égalité. Quelques ouvrages sur la cuisine propagent dans les familles
de province les principes de la cuisine bourgeoise qui comme toute
cuisine de cette époque est essentiellement parisienne.
La révolution ?
C'est une époque enthousiaste et tragique, où se côtoient, festins et
famines. Les dirigeants révolutionnaires sont souvent de fameux
gourmands. Même chez les condamnés, on festoie. Restaurateurs et
traiteurs ont des contrats avec les prisonniers qui en ont les moyens,
et qui se font servir d’exquises nourritures avant d’aller à la
guillotine !
En 1789, Antoine de Beauvilliers, qui a dirigé les cuisines de la Maison
royale ouvre à paris, rue Richelieu près du Palais-Royal, le premier
restaurant tel que nous le concevons. Comme à son ouverture, son
établissement était très fréquenté par des aristocrates, Beauvilliers
est emprisonné durant 18 mois sous la Terreur, mais a la chance de
sauver sa tête. Lors de sa sortie, il ouvre un autre restaurant, Galerie
de Valois, toujours au Palais-Royal, qui deviendra un haut lieu de la
gastronomie.
L’ère des grands restaurants a commencé !
Les aristocrates ont fui et leurs cuisiniers et maîtres d’hôtel se
retrouvent sans emploi. Ils n’ont d’autre solution que de se faire
restaurateurs. Certains, comme Beauvilliers, Méot ou Véry deviennent des
célébrités nationales.
La haute cuisine est descendue dans la rue, les grands chefs ont des
restaurants, et n’importe quel citoyen, du moment qu’il a de l’argent,
peut manger comme le faisaient les grands aristocrates disparus. Sous le
Directoire et jusqu’au début de l’Empire, lorsque s’éloignent enfin les
horreurs de la Terreur, l'on assiste à une frénésie de gourmandise et
jouissance, une envie irrépressible de plaisir. La France se remet à
vivre.
Les petits soupers du XVIIIème siècle, avec leur raffinement
dans la séduction sont remplacés par des repas intimes dont le seul but
est la jouissance des papilles. À ces agapes en comité restreint
s’oppose, tout au long de ce siècle riche en événements politiques et
diplomatiques, une grande cuisine vouée au gigantisme.
La France de cette époque imagine être le phare culturel des sociétés
civilisées, le nombril du monde. Paris est donc la capitale mondiale de
la cuisine et du goût.
Les conditions de travail ont considérablement évolué dans les cuisines.
Non seulement le fourneau a fait son apparition, mais il est même en
fonte et de plus en plus perfectionné. Cette merveille de modernité
permet désormais de rôtir, cuire au four, braiser, griller...
Durant ce siècle, que l’on a qualifié peut-être un peu trop
arbitrairement: “Âge d’or de la gastronomie française”, vont s’affirmer
les grands principes de la technique culinaire, qui serviront de
modèle à la gastronomie internationale. Des fourneaux des grands
cuisiniers, vont naître des plats qui feront le tour de la planète et
deviendront de grands classiques.
Recueils et ouvrages sur la cuisine du XVIIème et
XVIIIème siècle
Comme les encyclopédies du XVIIIème, les ouvrages traitant de
la cuisine et de la gastronomie participent à la transmission d'un
savoir à un large public.
- Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné de Diderot et d'Alembert
-
L’histoire de la soupe, c'est l’histoire du goût, d'un art de
vivre si difficile à établir, mais aussi l’histoire de l’homme pour
vivre ou survivre. C'est aussi l'Histoire du premier bouillon primitif
au sachet de soupe lyophilisé.
-
A découvrir quelques rares ouvrages et recueils pour vous initier
à la gastronomie du XVIIème et XVIIIème siècle.
Vous êtes intéressés par l'art culinaire du XVIIIème
siècle ou si vous souhaitez m'apporter plus d'informations, merci de me
contacter.
- Bruno DENISE
Ancien chef pâtissier nancéien
Sources :
- Le Cannaméliste français de Gilliers, Cuisinier - Pâtissier de Stanislas / Nancy /
1751
- Le Dictionnaire raisonné des sciences des arts et des métiers de Diderot
et D'Alembert.
-
Les Délices de la campagne : suite du Jardinier François : où est
enseigné à préparer pour l'usage de la vie.../ Amsterdam /
1661
- La Varenne,
Le Cuisinier
François l'on enseigne la manière d'apprêter les viandes, les pâtisseries, et
confitures / Lyon / 1680
-
Traitez nouveaux & curieux du café, du thé et du chocolat /
Lyon / 1685
- Ouvrage nécessaire aux médecins & à tous ceux qui aiment leur santé.
Dufour, Philippe Sylvestre / Lyon / 1685
.
Nouveau
recueil de curiosités, les plus rares & admirables de tous les effets que
l'art ... Vol 1 / Leyde / 1688
- Nouveau
recueil de curiosités, les plus rares & admirables de tous les effets que
l'art ... Vol 2 / Leyde /
1688
-
La Maison réglée et l'art de diriger la maison d'un grand seigneur
& autres... / Amsterdam / 1700
-
Dictionnaire
portatif de cuisine, d'office et de distillation : contenant la manière de
préparer toutes sortes de viandes / Paris /
1767
- L'Art de bien
faire les glaces d'office, les principes pour congeler tous les
rafraîchissements , un traité sur les mousses / Paris / 1768
-
Traité des aliments - Lémery / Paris / 1705
-
Le Nouveau cuisinier royal et bourgeois...Vol 1. - Massialot
François. / Paris / 1717
- Le
Nouveau cuisinier royal et bourgeois...Vol 2.
-
Massialot François. / Paris / 1717
-
Les Dons
de comus, ou l'art de la cuisine : réduit en
pratique. Marin François, Vol 1 / Paris / 1750
-
Les Dons de comus, ou l'art de la cuisine :
réduit en pratique. Marin François. Vol 2 / Paris /
1750
-
Les Dons
de comus, ou l'art de la cuisine : réduit en
pratique. Marin François. Vol 3 / Paris / 1750
- Archives Municipales de Nancy
- Archives Départemental de Meurthe et Moselle à Nancy
- Université Nancy 2
- Université Barcelone
- Musée Lorrain de Nancy
- Histoire de Nancy sous la direction de René Taveneaux , éditeur Privat 1978
- Anthologie des mémorialiste du XVIIIème siècle Robert
Laffont 1996
- Le vieux Nancy par Pierre Marot 3ème édition Nancy -Hélio 1980
- Histoire de Nancy par Henri Lepage réédition de 1838
- Stanislaus Leszczynski, Ein König im
Exil Blieskastel: Bliesdruckerei,
2006
- La Place Royale de Nancy de Pierre Marot, édition Berger
LEVRAULT 1966
- Jean Lamour , Albert France-Lanord ,
édition 1977 Presse Universitaire de Nancy
- Le roi Stanislas , d’ Anne Muratori Philip éditeur Fayard
- Encyclopédie Larousse / Hachette
- L'Encyclopédie libre Wikipedia
- http://fr.wikipedia.org
Photos et images :
- Retour du marché - tableau de Jean Baptiste Siméon
CHARDIN - Musée du Louvre à PARIS / 1739
- Le repas du prince de Salm réalisé par Nicolas de Mirbeck,cette toile fait partie d'une
collection de 11 tableaux, présentée à la mairie de Raon
l'Étapes / Vosges.
- Un diner de philosophes, tableau de Jean Huber, Voltaire
Fondation, Oxford. / 1772 ou 1773-
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